Borderlands : autopsie d’un naufrage cinématographique racontée par Eli Roth

Publié le 15 avril 2025 à 11:58

2024 aura été marquée par plusieurs flops au cinéma, mais peu ont atteint le niveau de catastrophe industrielle du film Borderlands. Longtemps attendu, souvent repoussé, le projet avait tout pour échouer… et il n’a pas déçu sur ce point. Dans le podcast The Town, le réalisateur Eli Roth est revenu en toute franchise sur cette expérience aussi frustrante qu’éprouvante. Et ce qu’il raconte a de quoi faire frémir.

Avant même sa sortie, Borderlands sentait déjà le souffre. Entre retards, refontes, silence radio sur le marketing et changements de direction artistique, les signes annonciateurs étaient nombreux. Et Eli Roth ne cherche pas à masquer l’ampleur du désastre : il le reconnaît ouvertement. Selon lui, le projet a été piégé par la pandémie de Covid-19, qui a rendu le tournage totalement chaotique.

« On ne peut pas préparer un film de cette ampleur sur Zoom », confie-t-il, désabusé.

Le réalisateur évoque des conditions de travail désorganisées, morcelées, où les équipes étaient éclatées entre plusieurs lieux fermés pour cause de confinement. Pas de coordination possible, pas de prévisualisation des scènes, ni de collaboration physique avec les cascadeurs ou les départements clés du film. Une production éclatée, littéralement.

Comme si cela ne suffisait pas, Roth n’a même pas pu finaliser les reshoots lui-même, étant engagé sur un autre projet. C’est donc Tim Miller (Deadpool) qui s’est chargé des scènes additionnelles — un changement qui a encore plus flouté la signature artistique du film. Eli Roth raconte un moment glaçant : le jour où il visionne son propre film pour la première fois :

« C’était la première fois que je me disais : "OK, j’ai réalisé ce film, mais qu’est-ce que je vais voir ?" »

Il confie une perte de contrôle créatif totale, presque une dissociation, comme si le résultat final lui échappait complètement. Un sentiment rare, voire inédit, chez un réalisateur de son expérience.

Certes, le contexte était exceptionnellement défavorable. Oui, le Covid a bouleversé l’industrie du cinéma, et Borderlands n’était pas le seul projet impacté. Mais cela suffit-il à expliquer l’échec cuisant du film ? Pas vraiment. Malgré son honnêteté, Roth ne peut totalement se dédouaner.
Il reste, après tout, le scénariste et réalisateur officiel du projet, et son nom est indissociable de ce qui a été livré au public. Le film souffre d’un ton incohérent, d’un humour mal dosé, d’une direction artistique confuse, et d’un casting sous-exploité. Le désastre n’est pas seulement logistique : il est artistique.

Adapté de la célèbre licence vidéoludique de Gearbox Software, Borderlands était attendu comme une potentielle nouvelle franchise cinéma dans l’univers du jeu vidéo. Avec son esthétique déjantée, son univers post-apocalyptique délirant et son humour noir, le potentiel était immense. Mais le résultat a été un ratage complet, tant sur le plan critique que commercial. La communauté des fans a été déçue, voire outrée, et l’espoir d’une suite ou d’un univers étendu semble aujourd’hui bien compromis.

Eli Roth a au moins le mérite de ne pas fuir ses responsabilités. Son témoignage éclaire les coulisses d’un projet toxique, marqué par les imprévus, les décisions prises dans l’urgence, et une exécution déconnectée de la vision initiale. Mais à Hollywood comme ailleurs, les résultats comptent. Et Borderlands restera, pour beaucoup, l’un des pires films de l’année 2024.


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