Bungie face à la justice : une plainte pour plagiat sur Destiny 2 relancée à cause… de contenus devenus inaccessibles

Publié le 6 mai 2025 à 14:19

C’est une affaire à la fois inédite et révélatrice de notre ère du tout dématérialisé. Bungie, le studio derrière la célèbre franchise Destiny, fait actuellement face à une action en justice inattendue : un écrivain indépendant, Matthew Kelsey Martineau, l’accuse d’avoir copié son travail publié sur WordPress pour créer la Légion rouge, faction clé du jeu Destiny 2. Le hic ? Le contenu visé dans la plainte... n’est plus accessible, même pour Bungie lui-même.

Martineau soutient que la Légion rouge, apparue dans la campagne Guerre Rouge et l’extension La Malédiction d’Osiris, s’inspire directement d’un univers qu’il aurait imaginé et publié en ligne, quatre ans avant la sortie du jeu en 2017. Le cœur de l’affaire repose donc sur une potentielle violation du droit d’auteur concernant des éléments scénaristiques. Bungie, de son côté, a tenté de faire rejeter l’affaire en arguant que les ressemblances invoquées sont « manifestement » inexistantes, ou très superficielles. Mais cette stratégie de défense s’est retournée contre le studio pour une raison plutôt inhabituelle dans l’industrie du jeu vidéo.

Comme Destiny 2 est un jeu "live service", une grande partie de son contenu initial a été déplacée dans ce que l’on appelle le Destiny Content Vault (DCV), un système de rotation de contenu qui permet d’archiver certaines campagnes ou extensions jugées obsolètes pour alléger le jeu et permettre de nouvelles mises à jour. Résultat : les campagnes Guerre Rouge et La Malédiction d’Osiris, sur lesquelles repose la plainte de Martineau, ne sont plus jouables. Et pire encore pour Bungie, elles ne sont même plus récupérables techniquement. Le studio a dû admettre, dans une déclaration sous serment signée par Tyson Green, directeur du jeu, qu’il était incapable de fournir le contenu original dans sa version exploitable de 2017, à cause d’un code devenu incompatible avec l’architecture actuelle du jeu. Autrement dit, Bungie ne peut tout simplement pas produire les preuves les plus directes pour sa défense.

Pour tenter de contourner le problème, Bungie a fourni au tribunal… des vidéos de gameplay issues de YouTube, réalisées par des joueurs à l’époque, ainsi que des pages du wiki communautaire Destinypedia, compilées par des fans. Des sources bien loin des standards juridiques. La juge Susie Morgan a rejeté ces pièces, soulignant que Martineau ne faisait nulle part référence à ces documents dans sa plainte, et que leur authenticité ne pouvait être vérifiée, puisqu'elles émanent de tiers. Conséquence directe : la requête de Bungie visant à faire annuler l'affaire a été rejetée. Le tribunal a également précisé que le processus de communication préalable (l'étape d’échange de preuves avant procès) n’avait pas encore permis d’établir suffisamment de faits pour statuer de manière définitive.

Ce cas soulève plusieurs questions fondamentales. D’abord, sur la conservation des œuvres culturelles à l’ère du numérique : qu’advient-il d’un jeu ou d’un contenu qui n’est plus techniquement accessible, même pour ses créateurs ? Ensuite, sur le plan juridique : comment prouver son innocence lorsqu’on ne peut plus accéder à ses propres œuvres originales ? Pour les auteurs indépendants, cette affaire illustre également les difficultés à faire valoir leurs droits face à des studios majeurs, mais elle montre aussi que les tribunaux peuvent leur donner une chance quand les procédures sont respectées.

Alors que l’affaire entre Bungie et Matthew Martineau entre dans une phase plus formelle, elle pourrait bien faire jurisprudence pour les futurs contentieux autour de jeux live à contenu évolutif. Dans un monde où le passé numérique peut s’effacer en un clic, la justice, elle, demande encore des preuves tangibles. Reste à voir si Bungie pourra reconstituer suffisamment d’éléments de son propre jeu pour se défendre efficacement… ou si cette affaire se soldera par un accord à l’amiable.


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