
Moon Studios, connu pour les chefs-d’œuvre acclamés Ori and the Blind Forest et Ori and the Will of the Wisps, traverse une période critique. Leur dernier projet, No Rest for the Wicked, un RPG d’action sorti en accès anticipé en avril 2024, fait face à un "bombardement de critiques" qui pourrait signer la fin du studio. Une situation paradoxale, car le jeu affiche pourtant une note « majoritairement positive » sur Steam (74 %), sur près de 35 000 évaluations.
C’est via un message posté sur Discord, repéré par un utilisateur de NeoGAF, que Thomas Mahler, cofondateur et PDG de Moon Studios, a exprimé toute sa frustration et sa peur pour l’avenir du studio.
« Si vous aimez Wicked mais n’avez pas laissé de critique positive, il se pourrait qu’on ne soit plus là dans quelques mois. »
Ce message n’est pas un simple coup de pression. Pour Mahler, le studio est littéralement en jeu. Contrairement à ce que certains joueurs pourraient croire, il n’y a plus de “gros éditeur” derrière pour couvrir les pertes. Après avoir récupéré les droits d’édition de leur jeu auprès de Take-Two en mars dernier, Moon Studios est désormais totalement indépendant, ce qui signifie qu’il n’a plus de filet de sécurité financier.
Si No Rest for the Wicked bénéficie d’une base de fans enthousiastes, de nombreuses critiques négatives nuisent à sa réputation Steam – une plateforme où l’algorithme de visibilité est influencé par les avis. Voici les principaux reproches adressés au jeu :
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Une difficulté jugée trop élevée,
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Des combats perçus comme maladroits,
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L’absence de mode multijoueur, pourtant promis initialement,
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La nécessité de fabriquer ses objets de soins,
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Et surtout, des minuteries imposées qui obligent à attendre que certaines constructions ou améliorations se terminent.
Un cocktail d'éléments frustrants pour certains joueurs, qui n'ont pas hésité à sanctionner le jeu dans leurs évaluations – parfois sans prendre en compte le caractère anticipé de la sortie.
À la suite de l’appel de Mahler, le jeu a connu une hausse des avis positifs, certains joueurs répondant à l’appel de soutien. Mais cette initiative a aussi suscité une réaction inverse : des critiques négatives rédigées uniquement pour protester contre cette “demande de pitié” du développeur.
Un dilemme éthique s’installe alors dans la communauté : faut-il écrire un avis positif pour soutenir un studio que l’on apprécie, même si le jeu n’est pas encore à la hauteur ? Ou est-ce que cela fausse l’esprit des évaluations sur Steam, censées refléter une expérience honnête ?
Le paradoxe est cruel : après s’être libéré de la tutelle d’un éditeur pour "exécuter leur vision sans restrictions", Moon Studios découvre la vulnérabilité du modèle indépendant. La liberté créative se paie cher, surtout dans un environnement aussi compétitif et exigeant que le marché PC.
Moon Studios n’est pas un petit inconnu. Les jeux Ori ont marqué une génération de joueurs par leur beauté, leur gameplay et leur sensibilité artistique. Mais dans un secteur où la visibilité et les revenus dépendent en grande partie des algorithmes et de la perception communautaire, même les studios talentueux peuvent vaciller.
Le cas No Rest for the Wicked illustre un problème plus large du jeu vidéo indépendant : la fragilité des structures, la pression de la réception publique, et la difficulté de naviguer entre exigence créative et attentes des joueurs. Le message de Thomas Mahler est un signal d’alarme : le succès critique ne garantit pas la survie financière.
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