
C’est une nouvelle qui marque un tournant dans l’industrie du jeu vidéo : Jade Raymond, figure emblématique du développement vidéoludique, a quitté Haven Studios, le studio qu’elle avait fondé après une décennie mouvementée entre Ubisoft, EA et Google. Le départ intervient alors que le premier jeu du studio, Fairgames, est toujours en cours de développement.
Pour comprendre la portée de cette annonce, il faut revenir sur le parcours hors norme de Jade Raymond. Productrice de renom derrière Assassin’s Creed, Watch Dogs et plusieurs titres majeurs chez Ubisoft, elle quitte l’éditeur français en 2015 pour fonder Motive Studio chez EA. Trois ans plus tard, elle rejoint Google pour diriger la stratégie de contenu de Stadia, avant de tout reconstruire après la fermeture des équipes internes de développement chez le géant américain en 2021.
C’est dans ce contexte qu’elle crée Haven Studios, accompagnée de cinq cofondateurs et d’une vingtaine d’anciens collègues de Google. En mars 2022, Sony annonce l’acquisition du studio, impressionné par les ambitions de Fairgames, le jeu phare que Raymond et son équipe développent avec le soutien financier de PlayStation.
Aucune raison officielle n’a été fournie concernant le départ de Raymond. Toutefois, selon un rapport de Bloomberg, plusieurs sources proches du studio évoquent un test externe récent de Fairgames qui aurait laissé les développeurs « préoccupés » par les réactions obtenues. Cette réception mitigée pourrait expliquer, au moins en partie, les tensions internes ayant conduit au départ de sa fondatrice.
PlayStation a réagi en saluant « une partenaire incroyable et une force visionnaire », tout en réaffirmant son engagement envers Haven Studios et le développement de Fairgames. Le message est clair : Sony continue d’y croire, malgré un climat incertain autour des jeux de service en ligne.
Le timing de ce départ soulève d’autant plus de questions que Sony traverse une période difficile en matière de jeux en ligne. Le géant japonais a récemment annulé plusieurs projets multijoueurs, notamment chez Bend Studio et Bluepoint Games, qui travaillaient apparemment sur un God of War multijoueur.
Pire encore, l’échec retentissant de Concord, retiré de la vente et fermé à peine deux semaines après son lancement, a renforcé les doutes autour de la stratégie « games-as-a-service » de Sony.
Dans ce contexte, le sort de Fairgames est scruté de près. Si le projet semble toujours soutenu, sa capacité à se démarquer dans un genre saturé — et dans un climat éditorial instable — reste à démontrer.
Dévoilé pour la première fois en mai 2023 avec une bande-annonce CGI, Fairgames se veut une « approche fraîche et moderne du braquage compétitif ». Le directeur créatif Mathieu Leduc a présenté le jeu comme une lutte des classes vidéoludique où les joueurs incarnent un mouvement clandestin visant à déstabiliser les ultra-riches.
« En un mot, il s’agit d’un jeu de braquage compétitif palpitant dans lequel vous rejoignez un mouvement clandestin pour voler les ultra-riches et rééquilibrer la balance. »
Concept accrocheur, design stylisé, et promesse d’une expérience multijoueur nerveuse et engagée… mais encore peu de concret sur le gameplay ou la date de sortie.
Le studio montréalais est désormais dirigé par Marie-Eve Danis et Pierre-François Sapinski. Tous deux ont déjà occupé des postes de direction au sein du studio, et semblent prêts à poursuivre l’aventure sans Jade Raymond. Mais dans un marché où la direction artistique et la vision créative sont souvent incarnées par des figures fortes, son départ pose inévitablement la question de l’identité du projet.
Le départ de Jade Raymond de Haven Studios marque la fin d’un chapitre, mais pas nécessairement celui de Fairgames. Tandis que Sony recentre sa stratégie autour des projets les plus prometteurs, le studio montréalais devra faire ses preuves… sans sa fondatrice. En attendant, l’industrie observe : Fairgames sera-t-il le braquage de trop ou le coup de maître qu’espérait Jade Raymond ?
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