
Shuhei Yoshida, mémoire vive de PlayStation, revient sur ses trois décennies de carrière dans une interview exclusive pour GamesBeat. L’ancien président des Worldwide Studios de Sony Interactive Entertainment, aujourd’hui figure emblématique du jeu vidéo, y livre une rétrospective honnête, lucide, parfois brutale, sur les coulisses d’une marque devenue légendaire… non sans douleurs.
Lorsqu’il rejoint le projet PlayStation au tout début des années 1990, Sony n’est encore qu’un outsider dans un marché dominé par Nintendo et SEGA. Yoshida explique à quel point il a fallu convaincre les éditeurs de développer pour une console qui n’avait encore aucune légitimité. L’objectif était clair : vendre des millions d’unités rapidement pour créer un cercle vertueux.
Au Japon, le pari est remporté grâce à des campagnes publicitaires massives à la télévision. Mais aux États-Unis, la donne est toute autre. Face à une SEGA Saturn déjà installée, Sony prend une décision stratégique audacieuse : baisser le prix de la PlayStation de 100 dollars en dessous de la concurrence. Une offensive tarifaire qui s’est révélée payante à court terme, mais qui ne garantissait pas encore la pérennité de la marque.
Mais si la PlayStation fut un triomphe, tout n’a pas toujours été rose. Shuhei Yoshida ne cache rien : la période de la PlayStation 3 fut un cauchemar pour Sony.
« Nous perdions un milliard de dollars. Je pensais que la PlayStation était finie. »
La PS3, sortie à 600 € en 2006, cumulait les erreurs stratégiques : une architecture complexe qui rendait le développement de jeux extrêmement difficile, un prix jugé excessif, et une concurrence féroce de la Xbox 360, plus accessible et mieux optimisée.
Dans les coulisses, la situation était tendue. Sony ne doit sa survie qu’à un autre secteur du groupe : celui des téléviseurs à écran plat, alors florissant, qui absorbait les pertes abyssales de la branche jeu vidéo. À cette crise financière s’ajoute un incident sans précédent : la fameuse panne du PlayStation Network, qui dura plusieurs mois, affectant des millions d’utilisateurs dans le monde. Un traumatisme interne difficile à gérer, avoue Yoshida.
La génération PS3 marque aussi une transition dans l’industrie, que Sony n’avait pas totalement anticipée. Le passage à la Haute Définition bouleverse les standards de production, obligeant les studios à revoir leurs pipelines de développement. Et si les studios japonais peinent à suivre, les studios occidentaux prennent peu à peu le relais.
C’est dans cette turbulence que des noms comme Naughty Dog explosent avec des licences fortes et modernes, à l’image de Uncharted, puis The Last of Us, qui redéfiniront l’identité de PlayStation sur les générations suivantes.
Aujourd’hui, même s’il a quitté ses fonctions de président en 2019, Shuhei Yoshida reste une figure centrale de la galaxie PlayStation, désormais ambassadeur des jeux indépendants pour Sony. Ses interventions sont suivies avec attention, tant son parcours incarne l’évolution fulgurante et parfois chaotique de l’industrie du jeu vidéo.
L’interview chez GamesBeat, au-delà des anecdotes croustillantes, rappelle surtout l’humilité et la résilience d’un homme qui a su apprendre des erreurs, affronter les tempêtes et participer activement à faire de PlayStation bien plus qu’une marque : une culture.
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