Milo & Kate : l'histoire d'un projet révolutionnaire… tué dans l’œuf

Publié le 26 mai 2025 à 13:28

Lors de la conférence Nordic Game en Suède, Peter Molyneux — célèbre créateur de jeux et esprit visionnaire derrière Fable et Black & White — est revenu avec émotion sur un projet aussi audacieux que mystérieux : le Projet Milo. Imaginé pour tirer parti du capteur Kinect de Microsoft, Milo devait être bien plus qu’un jeu : une expérience émotionnelle et immersive, où les joueurs pourraient interagir avec un jeune garçon virtuel comme s’il était réel.

Mais alors, que s’est-il vraiment passé ? Pourquoi cette idée, aussi avant-gardiste qu'intrigante, n’a-t-elle jamais vu le jour ? Voici un retour détaillé sur cette tragédie vidéoludique.

Tout a commencé lorsque Molyneux découvre le tout premier prototype du Kinect. Présenté par Alex Kipman, ingénieur vedette de Microsoft, l’appareil impressionne : un champ de vision large, une reconnaissance fine des mouvements, une technologie presque magique pour l’époque. Mais l’accueil de Molyneux est plus réservé qu’on ne l’aurait imaginé.

« Je suis un joueur. Je ne veux pas jouer debout. Je veux rester assis, fumer ce que je fume, boire ce que je veux et ne pas me pavaner comme un con. »

Ce ton à la fois franc et provocateur illustre bien le personnage. Plutôt que de suivre la vague des jeux de danse ou de fitness, il décide de réfléchir à une utilisation plus calme et émotionnelle du Kinect.

L’idée de Milo naît de l’observation de son propre fils de 7 ans, Lucas. Molyneux est fasciné par la manière dont les enfants apprennent, s’expriment, et s’ouvrent au monde. Il imagine alors une expérience basée sur la relation émotionnelle, non sur le challenge ou l’action.

« Il y a ce moment où l’on réalise qu’on est en train de créer, d’inspirer un être humain. Ce serait incroyable de créer un jeu autour de ce sentiment. »

Le joueur aurait donc incarné une figure de soutien, de guide, pour ce jeune garçon prénommé Milo. Grâce au micro et à la caméra de Kinect, il aurait pu lui parler, le regarder, partager du temps avec lui, dans un environnement dynamique et évolutif.

Comme souvent avec les projets Molyneux, Milo reposait sur des technologies encore balbutiantes. La reconnaissance vocale, par exemple, ne fonctionnait pas vraiment : les développeurs "trichaient" pour donner l’illusion d’une vraie conversation. Ironiquement, à l’ère des chatbots IA comme ChatGPT ou Alexa, ce défi paraît aujourd’hui presque trivial.

Mais le rêve commence à vaciller lorsque la version finale du Kinect est dévoilée.

« Le Kinect initial coûtait 5 000 dollars. Il a été réduit pour être accessible au grand public, mais son champ de vision est devenu minuscule. »

Autrement dit, l’outil principal qui devait porter Milo à la vie était maintenant incapable de voir autre chose que ce qui se trouvait juste devant lui. Finie l’idée d’une interaction fluide et naturelle.

Le coup de grâce viendra plus tard, lorsque Microsoft choisit de réorienter le Kinect vers les jeux de fête, les activités de groupe, les expériences physiques. Une décision diamétralement opposée à la vision de Molyneux.

« Le coup fatal de Milo a été la décision de faire de Kinect un appareil pour faire la fête. Il n’avait plus sa place dans le portefeuille Microsoft. »

Sans soutien, sans technologie adaptée, sans avenir commercial, le projet est annulé. Et avec lui, une vision unique de ce que pourrait être un jeu vidéo : une relation sincère, sans combat, sans quêtes, juste un lien humain.

« Personne n’a jamais vécu l’expérience dans son intégralité. Mais c’était magique. »

Le mot "magique" revient plusieurs fois dans les propos de Molyneux. Ce n’est pas un hasard. Milo n’était pas un simple jeu, c’était un rêve de designer, un défi émotionnel, un précurseur des IA relationnelles d’aujourd’hui.

Dans un monde où les technologies vocales et visuelles deviennent de plus en plus réalistes, Milo apparaît aujourd’hui comme un projet trop en avance sur son temps, étouffé par les contraintes économiques et les visions marketing d’une époque.

Mais dans le cœur de ceux qui ont entrevu son potentiel, Milo vit encore.

 

Le Projet Milo restera sans doute l’un des plus grands "et si" de l’histoire du jeu vidéo. Une expérience à mi-chemin entre l’intelligence artificielle, le jeu narratif, et l’émotion brute. Grâce aux confidences de Molyneux, nous savons aujourd’hui que ce projet n’était pas qu’un effet d’annonce. C’était un rêve sincère, qui aurait pu redéfinir notre manière de jouer — et de ressentir.


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