Minh Le, créateur de Counter-Strike, dénonce l’« épidémie » de triche dans les jeux vidéo en ligne

Publié le 27 mai 2025 à 14:59

Dans un entretien accordé à Gaming World Media, retranscrit par Insider Gaming, Minh Le, figure légendaire du jeu vidéo et co-créateur de Counter-Strike, s’est exprimé sans détour sur un fléau qui gangrène depuis longtemps les jeux en ligne : la triche. Pour lui, la situation est aujourd’hui hors de contrôle. Il parle d’une "épidémie", d’un mal qui touche désormais quasiment tous les titres multijoueur, indépendamment de leur popularité ou de leur échelle.

Minh Le ne mâche pas ses mots :

"Il y a 20 ans, je croisais un tricheur dans 5 à 10 % des parties. Aujourd’hui, c’est 40 à 50 % du temps."

Autrement dit, un joueur sur deux pourrait tricher ou utiliser des techniques suspectes, selon ses observations. Une statistique alarmante qui reflète l’amertume d’un développeur passionné, mais aussi d’un joueur désabusé.

L’un des aspects les plus préoccupants, selon lui, est que même les jeux multijoueur de niche ou peu médiatisés ne sont plus épargnés. La triche n’est plus un problème limité aux blockbusters comme Call of Duty, Valorant ou PUBG : elle est devenue systémique.

Minh Le évoque une lutte de longue haleine, commencée il y a plus de deux décennies lorsqu’il travaillait chez Valve. L’entreprise avait déjà recruté des ingénieurs spécialisés pour concevoir des systèmes de détection automatisés. Pourtant, malgré les efforts titanesques déployés depuis, il décrit ce combat comme une course sans fin entre les développeurs et les créateurs de logiciels de triche.

À chaque solution apportée, les tricheurs adaptent leur arsenal. Minh Le compare la situation à une hydre : « À chaque fois qu’un fournisseur de triche est neutralisé, un autre surgit. »

Le vétéran reconnaît que certaines des solutions actuelles, comme les anti-triches à noyau profond (kernel-level), peuvent être efficaces. Toutefois, il alerte également sur leur caractère intrusif, ce qui peut poser un réel problème en matière de protection de la vie privée et de confiance des joueurs. Les développeurs se retrouvent alors dans une position délicate : choisir entre sécurité renforcée et respect des libertés numériques.

Face à cette impasse, de plus en plus de studios envisagent d’abandonner le multijoueur compétitif au profit d’expériences JcE (joueur contre environnement), plus simples à protéger contre la triche. Cela permet aux équipes de développement de se concentrer sur l’expérience narrative et immersive, sans se heurter constamment aux tentatives de sabotage de tricheurs.

Une décision stratégique, mais qui pourrait aussi transformer en profondeur l’offre de jeux en ligne dans les années à venir.

Même les géants du secteur comme Activision se retrouvent contraints d’utiliser l’arme judiciaire pour lutter contre les tricheurs. Poursuites contre les créateurs de logiciels illégaux, sanctions contre les revendeurs… Mais chaque victoire semble temporaire, tant l’économie parallèle de la triche reste rentable et difficile à endiguer.

Minh Le cite enfin le cas de la Corée du Sud, souvent évoquée comme un modèle en matière de réglementation. Là-bas, les joueurs doivent s’identifier pour jouer en ligne, ce qui permet de bannir plus efficacement les tricheurs en les empêchant de revenir sous une autre identité.

Mais cette méthode, aussi radicale soit-elle, ne fait pas l’unanimité. L’obligation de transmettre des données personnelles pourrait être mal accueillie en Occident, où les joueurs sont souvent plus sensibles aux questions de vie privée.

Ce cri d’alerte de Minh Le souligne une crise profonde du jeu vidéo en ligne. Si la triche continue à gangréner l’écosystème compétitif, c’est tout un pan du divertissement numérique qui pourrait être amené à se transformer. Le véritable défi, aujourd’hui, n’est pas seulement technique, mais culturel, éthique et juridique.


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