Game Pass et le dilemme des développeurs indépendants : Le cas de Revenge of the Savage Planet

Publié le 12 juin 2025 à 18:08

Il y a un peu plus d’un mois, Revenge of the Savage Planet faisait son entrée dans le catalogue du Xbox Game Pass. Très rapidement, ce jeu de tir déjanté signé Raccoon Logic a su capter l’attention de plus d’un million de joueurs, franchissant ce cap impressionnant en seulement dix jours. Un succès apparent, mais qui cache une réalité plus nuancée selon le directeur créatif du jeu, Alex Hutchinson.

Dans l’univers très compétitif du jeu vidéo, atteindre un million de joueurs en si peu de temps est un exploit, surtout pour un studio indépendant. Alex Hutchinson n’a pas manqué de le souligner, saluant ce jalon comme une victoire importante. Pourtant, il a également jeté un pavé dans la mare : cette explosion du nombre de joueurs, permise par le Game Pass, ne se traduit pas nécessairement en ventes concrètes.

Comme il le dit lui-même : « Dans le monde moderne, cela ne signifie malheureusement pas que les ventes augmentent avec les services d'abonnement. » Et c’est là tout le paradoxe. Si la visibilité et le trafic sont assurés, la rentabilité, elle, est loin d’être garantie.

Lors d’une interview avec le Gamer Social Club, Hutchinson a partagé une réflexion profonde sur le modèle des services d’abonnement comme le Game Pass. Il reconnaît certains bénéfices évidents : une croissance rapide des listes de souhaits, un afflux massif de joueurs, et une visibilité décuplée. Mais il insiste aussi sur un fait inquiétant : cette surexposition ne se convertit pas forcément en revenus.

Le studio Raccoon Logic a certes enregistré des ventes « bonnes », mais cela semble plus être le résultat d’une direction artistique forte et d’un ton assumé que d’un quelconque effet Game Pass. « Nous avons misé sur le divertissement et un ton fort. Le jeu vieillira bien, ou du moins mieux que si nous avions misé sur une technologie tape-à-l’œil », confie Hutchinson.

Le vrai problème, selon Hutchinson, c’est la « dévalorisation » perçue du contenu. En étant proposé « gratuitement » dans un abonnement, un jeu perdrait une part de sa valeur perçue. Les joueurs deviennent plus frileux à l’idée de dépenser, même pour un simple DLC. Résultat : l’équilibre économique vacille.

« Il y a quelques années, le montant des abonnements était suffisamment important pour faire une grande différence, mais aujourd’hui, à moins que votre jeu soit petit ou que vous soyez une marque exceptionnelle, ce n’est pas grand-chose », affirme-t-il.

Et si le bouche-à-oreille peut parfois générer des ventes sur d'autres plateformes, ce n’est pas une garantie. Le contenu additionnel n’a pas suscité l’engouement espéré, et les comportements d’achat n’ont pas suivi.

Face à ce constat, Hutchinson propose une solution audacieuse : instaurer un délai d’un an avant qu’un jeu ne soit ajouté à un service d’abonnement. En s’inspirant du modèle cinématographique classique (sortie en salles, puis DVD, puis télé/streaming), il suggère de préserver une première fenêtre de monétisation directe, essentielle à la survie des studios indépendants.

Il prévient : si la structure actuelle persiste, « elle sera bientôt très préjudiciable à tous ceux qui ne sont pas détenus par un éditeur ». Une alerte que beaucoup dans l'industrie devraient entendre.

Malgré ses réserves, Hutchinson ne remet pas en cause la qualité de la collaboration avec Microsoft. Au contraire, il loue leur partenariat, soulignant que le géant américain reste un allié précieux pour les développeurs.

Mais l’enjeu dépasse le simple cadre d’un partenariat. Il s'agit de repenser l'écosystème pour qu’il reste viable pour les studios indépendants, et que le succès critique et populaire d’un jeu ne soit pas un feu de paille financièrement.


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