Le virage stratégique amorcé par Sony sous l’ère Jim Ryan vers les jeux-service est aujourd’hui dans une situation critique. Si le succès de Helldivers II a offert une lueur d’espoir, ce succès semble de plus en plus isolé. La vision ambitieuse de transformer une part significative du catalogue PlayStation en expériences multijoueur à long terme s’est heurtée à une série de réalités dures : projets annulés, lancements catastrophiques comme celui de Concord, et inquiétudes croissantes autour de Marathon, le prochain gros titre porté par Bungie.
Lors d’une récente séance de questions-réponses entre les dirigeants de Sony Interactive Entertainment et les investisseurs — retranscrite en partie par Game Developer — le sujet des jeux-service a été au centre des discussions. Avec en filigrane une question lancinante : Sony sait-il réellement ce qu’il fait ?
Le projet Concord, pourtant lourdement mis en avant, est aujourd’hui considéré comme un désastre stratégique. Trop générique, lancé dans un marché déjà saturé, le jeu n’a pas trouvé son public malgré les moyens déployés. Ce revers, doublé de l’annulation discrète de plusieurs autres titres similaires en interne, a de quoi refroidir les ambitions.
Et maintenant, c’est Marathon qui est dans la ligne de mire. Développé par Bungie, pourtant reconnu pour son expertise avec Destiny, le jeu peine à convaincre à travers les premiers retours. Les critiques évoquent un manque de clarté dans l’offre, un positionnement flou et des mécaniques jugées peu engageantes. Un comble pour un projet censé porter le renouveau des jeux-service chez Sony.
Face à ces revers, Hermen Hulst, patron des PlayStation Studios et ex-co-PDG de Sony Interactive Entertainment, tente de rassurer. Pour lui, les jeux-service ne sont pas morts, et Marathon n’est pas voué à l’échec. Bien au contraire.
Dans une posture résolument optimiste, Hulst souligne que Sony a tiré des leçons de ses échecs, et notamment de celui de Concord. Il admet que ce dernier souffrait d’un manque de différenciation, et que le jeu est arrivé dans un segment « hyperconcurrentiel » sans offrir suffisamment de valeur ajoutée aux joueurs. En conséquence, Sony aurait mis en place de nouveaux processus de vérification, plus rigoureux, pour mieux évaluer le potentiel d’un jeu tout au long de son développement.
« Nous le faisons de manière beaucoup plus continue. C’est ce plan qui nous permettra d’investir dans les bonnes opportunités au bon moment », affirme Hulst.
Il évoque également des retours « utiles et constructifs » sur Marathon, permettant de l’améliorer avant sa sortie. Mais sans entrer dans les détails… et surtout sans annoncer de report officiel, alors même que le calendrier semble intenable vu les corrections à apporter.
Malgré les obstacles, Sony ne lâche pas l’affaire. Le constructeur continue d'afficher son ambition d’enrichir son catalogue de jeux-service. Pourtant, la confiance des joueurs comme des investisseurs s’effrite. Le modèle économique des jeux-service, qui exige un engagement constant de la communauté et une différenciation forte dans un marché surchargé, semble difficile à maîtriser, même pour une marque aussi puissante que PlayStation.
Helldivers II reste l’exception qui confirme la règle. Mais peut-on réellement construire une stratégie sur des exceptions ? Surtout quand les budgets explosent, les délais glissent, et que les communautés réclament plus de créativité et moins de copies conformes.
En l’état, Marathon apparaît comme le test ultime pour Sony. Si le jeu réussit, il pourrait relancer la dynamique et prouver que le constructeur a su apprendre de ses erreurs. Mais s’il échoue — et tout porte à croire que les signaux sont déjà inquiétants — alors le virage jeux-service de PlayStation pourrait bien être enterré aussi vite qu’il a été lancé.
Et au fond, cela poserait une question plus large : Sony ne ferait-il pas mieux de revenir à ce qu’il fait de mieux — des expériences solo narratives fortes — plutôt que de courir après les tendances du marché ?
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