
Alors que des centaines d’employés ont perdu leur emploi et que les salaires baissent chez EA, le PDG Andrew Wilson empoche une rémunération colossale de plus de 30 millions de dollars. Décryptage d’un malaise grandissant dans l’industrie du jeu vidéo.
Ces derniers mois, Electronic Arts (EA) a fait couler beaucoup d’encre pour des raisons peu reluisantes : licenciements massifs, restructurations et projets annulés. Pourtant, derrière cette façade de rationalisation et de rigueur économique, la réalité en haut de la hiérarchie semble tout autre. Le dernier article du journaliste Stephen Totilo révèle un contraste frappant, presque indécent : Andrew Wilson, le PDG du groupe, recevra cette année une rémunération de 30,5 millions de dollars, soit près de 5 millions de plus que l’année précédente.
Sur ces 30,5 millions de dollars, la majeure partie — 25,7 millions — provient d’actions. Le salaire de base d’Andrew Wilson s’élève à 1,3 million, une somme déjà confortable, mais c’est donc surtout grâce à l’intéressement en actions que cette rémunération explose. En comparaison, en 2023, il avait gagné 25,6 millions, ce qui représente une augmentation de près de 20 %… alors même que des centaines d’employés étaient remerciés dans le même laps de temps.
Cette situation met en lumière un paradoxe désormais tristement banal dans le secteur technologique et vidéoludique : les coupes budgétaires concernent toujours la base, jamais le sommet. Bien que EA ait remercié près de 6 % de ses effectifs (plusieurs centaines de personnes), la santé financière globale de l’entreprise semble toujours solide. Alors pourquoi ces licenciements ? Et surtout, pourquoi cette hausse de rémunération au sommet si la réduction de personnel était censée être une nécessité économique ?
Comme si cela ne suffisait pas, le revenu médian des employés d’EA a chuté de façon significative. Il est passé de 148 704 dollars l’année dernière à 117 302 dollars aujourd’hui. Une baisse brutale de plus de 30 000 dollars qui ne s’explique pas uniquement par la variation des effectifs.
Certes, un effectif réduit peut mathématiquement faire bouger le revenu médian, mais la direction d’EA n’a fourni aucune explication claire sur ce point. Et ce flou ajoute au ressentiment : non seulement des postes sont supprimés, mais les conditions pour les employés restants se détériorent.
Ces chiffres illustrent l’écart croissant entre les dirigeants et leurs employés, une tendance malheureusement bien ancrée dans les grandes entreprises. Le cas EA n’est pas isolé, mais il cristallise les tensions du moment dans l’industrie vidéoludique, déjà ébranlée par une multiplication de plans sociaux depuis plus d’un an.
Dans ce contexte, voir un PDG s’octroyer une telle hausse de rémunération a de quoi provoquer la colère et la frustration. L’argument classique selon lequel la rémunération des dirigeants est nécessaire pour "attirer les meilleurs talents" commence sérieusement à s’essouffler — surtout quand ceux qui créent concrètement les jeux doivent eux vivre dans une incertitude permanente.
Le jeu vidéo est une passion, une industrie créative, mais aussi un miroir des inégalités économiques modernes. Et chez EA, le reflet est difficile à regarder.
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