
Fondé en 2008 à Paris, DON'T NOD s’est fait une place de choix dans le monde du jeu vidéo grâce à son approche profondément narrative. D’abord repéré avec Remember Me, c’est surtout Life is Strange qui propulsera le studio sur la scène internationale. Mais depuis quelques années, malgré une diversification de ses projets et l’ouverture d’une antenne à Montréal, l’entreprise traverse une période difficile. Retour détaillé sur la situation actuelle d’un studio en pleine transition.
Après le succès critique (et commercial) de Life is Strange, DON'T NOD n’a cessé d’explorer de nouveaux horizons narratifs : le jeu d'action surnaturel Vampyr, l’épopée écologique et poétique Jusant, puis en 2023, Banishers: Ghosts of New Eden, un titre salué pour sa direction artistique et son écriture, sans toutefois exploser les ventes.
En parallèle, DON'T NOD s’est essayé à l’édition de jeux indépendants (avec Gerda: A Flame in Winter, Koira ou bientôt The Lonesome Guild), et a ouvert en 2020 un studio à Montréal. Cette branche nord-américaine a donné naissance à Lost Records: Bloom & Rage, un jeu narratif lancé début 2025, mêlant adolescence, mystère et nostalgie.
Malheureusement, Lost Records n’a pas rencontré le succès espéré. À peine quelques mois après sa sortie, plusieurs employés de DON'T NOD Montréal annonçaient leur licenciement sur LinkedIn. Parmi eux : Mathieu Tremblay (senior game & level designer), Mary Pouliot (artiste cinématique) ou encore Laurent Dufresne (artiste technique), qui évoque une réduction significative dans une équipe déjà réduite.
Interrogé par Eurogamer, un représentant de DON'T NOD confirme ces départs :
« Nous sommes attristés de confirmer qu’après l’achèvement de Lost Records: Bloom & Rage, nous avons dû prendre la décision difficile de procéder à une nouvelle série de licenciements, affectant cette fois notre studio de Montréal. »
Le communiqué évoque les pressions économiques actuelles et une volonté de maintenir la viabilité du studio.
Le Syndicat des Travailleureuses du Jeu Vidéo (STJV) donne plus de précisions : neuf licenciements et sept suspensions de postes ont été enregistrés à Montréal, dans une logique de « réduction des coûts à l’échelle du groupe ». Ce n’est pas une première. DON'T NOD avait déjà été secoué par plusieurs grèves ces derniers mois, les salariés tentant d’alerter sur les conditions de travail et d'éviter des suppressions d’emplois.
Ces mesures de réduction ne sont pas isolées : selon plusieurs sources internes, deux projets en développement ont été mis en pause, et deux autres ont été réorientés pour viser un public plus large. Une manière de survivre dans un marché toujours plus concurrentiel, où les jeux narratifs à budget moyen peinent à trouver leur place face aux blockbusters AAA ou aux jeux indépendants au budget minimal.
Pour autant, DON'T NOD ne baisse pas complètement les bras. Lors du Xbox Games Showcase 2025, le studio a dévoilé Aphelion, une aventure de science-fiction ambitieuse développée en partenariat avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA), attendue pour 2026. Un pari audacieux, qui montre que le studio veut encore croire à son avenir, malgré des ressources amoindries.
Le studio compte également poursuivre ses activités d’éditeur, un secteur où les risques sont moindres et où DON'T NOD pourrait capitaliser sur son expertise narrative pour aider d’autres créateurs à émerger.
Ce qui arrive à DON'T NOD n’est pas un cas isolé. De nombreux studios, y compris des acteurs bien établis, ont récemment dû licencier massivement face à un ralentissement économique général, une hausse des coûts de production et des attentes croissantes du public.
Dans ce contexte, DON'T NOD incarne la complexité de concilier créativité, gestion d'entreprise et survie économique. Le studio reste une figure importante de la scène vidéoludique européenne, mais son avenir dépendra désormais de sa capacité à rebondir, à se recentrer, et à réinventer une formule qui a autrefois conquis des millions de joueurs.
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