
Depuis début 2024, Microsoft a engagé une politique de restructuration d'une ampleur rarement vue dans l'industrie du jeu vidéo. Après les vagues de licenciements qui ont secoué Turn 10, Arkane Austin, ou encore Tango Gameworks, c’est désormais Raven Software qui entre dans la zone de turbulence.
La nouvelle est tombée discrètement : Raven Software serait également touché par des licenciements. Pour l’heure, les informations disponibles sont extrêmement limitées. Aucun chiffre officiel, aucun pourcentage, et encore moins de témoignages directs n’ont été partagés. Mais le simple fait que le nom de Raven soit associé à cette purge est en soi un signal préoccupant.
Fondé en 1990 et racheté par Activision en 1997, Raven Software s’est d’abord illustré par des FPS cultes (comme Heretic ou Soldier of Fortune), avant de se spécialiser dans le co-développement de titres AAA, principalement dans l’univers Call of Duty.
Depuis quelques années, Raven est notamment le studio en charge du support et de la maintenance de Warzone, le battle royale tentaculaire qui constitue l’un des piliers du modèle économique d’Activision Blizzard. Raven gère les correctifs, les équilibrages d’armes, les mises à jour de contenu, les saisons, les passes de combat — bref, tout ce qui fait vivre Warzone sur le long terme.
Dans ce contexte, la moindre réduction d’effectifs dans ce studio pourrait avoir un effet domino sur le rythme de production et la stabilité du jeu, dont la complexité technique est déjà redoutable.
Contrairement à d’autres licenciements récents — comme ceux de Turn 10 Studios, où environ 50 % des employés ont été remerciés — les licenciements chez Raven Software ne sont pas encore documentés dans leur ampleur. Il est donc difficile de savoir si Microsoft opère une réduction marginale ou une coupe structurelle.
Mais l’incertitude actuelle n’est pas anodine. Dans l’univers du jeu-service, la cadence est une clé de survie. Warzone est en compétition constante avec des géants comme Fortnite, Apex Legends ou PUBG. Si l’équipe de support perd en effectifs, cela peut ralentir les mises à jour critiques, augmenter les délais de correction de bugs ou fragiliser l’équilibre du jeu en ligne.
Autrement dit : moins de monde, c’est plus de risques pour l’expérience utilisateur.
Ces coupes chez Raven s’inscrivent dans une dynamique plus large de réduction des coûts, orchestrée par Microsoft dans toute sa division gaming. Depuis l’acquisition d’Activision Blizzard pour 69 milliards de dollars — finalisée en octobre 2023 — la firme de Redmond a licencié plusieurs milliers d’employés dans le secteur jeu vidéo, malgré l’intégration de dizaines de studios à son portefeuille.
Le contraste est frappant : après une opération colossale, présentée comme une étape historique pour Xbox, les mois suivants ont vu une saignée continue au sein des studios internes. Des structures entières ont été démantelées, des projets annulés, des talents licenciés.
Ce virage brutal semble répondre à une logique de rationalisation extrême, où seuls les projets jugés immédiatement rentables sont maintenus. Dans cette optique, même des studios essentiels à des licences comme Call of Duty ne sont plus à l’abri.
Le cas Raven soulève plusieurs questions fondamentales. Est-il rationnel de fragiliser les équipes qui soutiennent les titres les plus lucratifs du portefeuille Microsoft ? Si la direction vise une efficacité accrue, il reste à démontrer que celle-ci ne compromet pas la qualité des jeux-services que Microsoft doit pourtant rentabiliser sur le long terme.
D’un point de vue humain, l’impact est également considérable. Des équipes de développement passionnées, parfois présentes depuis des décennies, voient leurs postes supprimés ou leur avenir suspendu à des restructurations opaques. La perte de savoir-faire, de culture interne, de cohésion d’équipe n’est jamais sans conséquences.
Le fait que Raven Software — un studio clef dans l’écosystème Call of Duty — soit potentiellement en cours de démantèlement partiel, révèle à quel point la stratégie de Microsoft est désormais centrée sur le court terme : réduire les coûts, maximiser les rendements, et se recentrer sur des pôles dits « essentiels ».
Mais dans le jeu vidéo, la stabilité des équipes est une richesse qui ne se mesure pas qu’en chiffres. Et à force de couper dans ses propres fondations, Microsoft risque de fragiliser les piliers même de ses plus gros succès.
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