Stop Killing Games : Quand les joueurs se mobilisent pour préserver leur patrimoine vidéoludique

Publié le 4 juillet 2025 à 13:02

C’est une mobilisation aussi soudaine que massive : en quelques jours, la pétition Stop Killing Games a franchi le cap symbolique du million de signatures, ouvrant potentiellement la voie à des changements législatifs au sein de l’Union européenne. Derrière ce succès, un combat pour la préservation des jeux vidéo face à leur disparition numérique, porté par une communauté de passionnés, de créateurs et d’influenceurs.

 

Tout commence en avril 2024, lorsque le jeu The Crew d’Ubisoft devient injouable suite à la fermeture de ses serveurs. Malgré l’achat du jeu par de nombreux joueurs, ceux-ci se retrouvent sans aucun accès, aucune compensation, et surtout aucune alternative hors-ligne. Ce cas, emblématique d’un problème bien plus large, agit comme une étincelle.

C’est Ross Scott — créateur de la chaîne YouTube Accursed Farms — qui prend alors les devants. Connu pour ses vidéos mêlant humour et réflexion, il lance la pétition Stop Killing Games avec un objectif clair : trouver des solutions techniques et légales pour empêcher que des jeux disparaissent à jamais, même après la fin de leur support officiel.

 

Dans ses premières semaines, la pétition avance lentement. Elle plafonne aux alentours de 400 000 signatures — un chiffre honorable, mais insuffisant pour espérer une prise en compte institutionnelle. Ross Scott, découragé, envisage même de laisser tomber l’initiative.

Mais le vent tourne lorsque des figures majeures d’Internet s’en emparent. Moist Critical, PewDiePie, et d’autres influenceurs relayent massivement le message, provoquant un effet boule de neige. Et ce, même au-delà des frontières européennes, alors que les non-Européens ne pouvaient même pas signer la pétition. L’émotion, elle, est universelle.

En quelques jours seulement, la campagne récolte plus de 600 000 nouvelles signatures, franchissant la barre du million. Une performance d’autant plus impressionnante qu’elle repose sur une question souvent ignorée dans les débats publics : la préservation du jeu vidéo comme bien culturel et patrimonial.

 

Ce million de signatures n’est pas qu’un symbole. Il marque le seuil nécessaire pour que la pétition soit soumise officiellement à la Commission européenne, qui devra l’examiner. Si celle-ci estime que la demande est fondée, le sujet pourra être débattu au Parlement européen, ouvrant potentiellement la voie à des lois imposant aux éditeurs de jeux :

  • d’ajouter des modes hors-ligne ou de libérer les serveurs avant la fermeture,

  • de garantir un accès minimal aux jeux achetés,

  • ou encore d’encadrer juridiquement la pérennité numérique des produits culturels.

Le Royaume-Uni, malgré sa sortie de l’UE, n’est pas en reste : une pétition parallèle, propre à son parlement, a également dépassé les 133 000 signatures, là où 100 000 étaient nécessaires pour obtenir un débat à la Chambre des communes.

 

Au-delà de la simple frustration de ne plus pouvoir jouer, Stop Killing Games pose une question de fond : comment préserver notre mémoire numérique ? Aujourd’hui, les jeux vidéo sont devenus une part intégrante de notre culture. Pourtant, leur nature connectée, leur dépendance aux serveurs et aux DRM (systèmes de protection) les rendent vulnérables à l’effacement pur et simple.

Ce combat rejoint celui d’autres initiatives, comme les efforts de préservation de la Bibliothèque nationale ou des projets open source cherchant à recréer des serveurs abandonnés. Mais cette fois, grâce à l’ampleur de la pétition, le débat dépasse la sphère des spécialistes pour toucher le grand public… et les décideurs.

 

Bien que la pétition ait franchi un cap historique, tout reste à faire. La Commission européenne n’est pas tenue de donner suite, et même si elle le fait, l’adoption d’une législation prendra du temps. Mais ce million de signatures envoie un message fort : les joueurs veulent que leurs jeux, leurs souvenirs, leurs expériences, ne disparaissent pas dans le néant numérique.

Ross Scott, à l’origine de l’initiative, déclarait récemment dans une vidéo :

"Je ne veux pas juste sauver The Crew ou un autre jeu. Je veux qu’on crée un précédent. Un cadre. Une protection pour que nos jeux ne soient pas effacés comme s’ils n’avaient jamais existé."

Le combat ne fait que commencer, mais une chose est certaine : les joueurs ont trouvé leur voix. Et cette fois, elle porte jusqu’au Parlement européen.


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