
L’industrie vidéoludique traverse une ère de transformation profonde. Alors que le modèle du game as a service s’impose depuis plus d’une décennie, une question sensible revient sans cesse sur le devant de la scène : que se passe-t-il quand un éditeur décide de couper les serveurs d’un jeu ? C’est dans ce contexte qu’Yves Guillemot, PDG d’Ubisoft, est récemment intervenu pour justifier certaines décisions, tout en essayant d’apaiser les inquiétudes croissantes des joueurs.
Dans un échange relayé par This Week in Video Games, le patron d’Ubisoft a livré un discours sans ambiguïté, mais non sans controverse.
C’est suite à la polémique liée à l’arrêt de The Crew, jeu de course connecté lancé en 2014, qu’Ubisoft s’est retrouvé sous les projecteurs. Malgré l’indignation des joueurs, notamment ceux ayant acheté le jeu récemment ou souhaitant le conserver en collection, Ubisoft a mis fin aux serveurs du jeu, le rendant totalement injouable, même en solo.
Cette décision a ravivé le débat autour de la propriété numérique, des jeux dépendants de serveurs et du droit pour un éditeur de « désactiver » un produit encore en circulation.
Face à la critique, Yves Guillemot a défendu la position de son entreprise, en s’inscrivant dans la ligne de défense de Video Games Europe, un lobby dont Ubisoft fait partie. Il rappelle que la transparence est de mise :
« Nous fournissons des informations sur le jeu et sa durée de vie. Les joueurs et les acheteurs sont prévenus que le jeu pourrait être arrêté à terme. »
Le message est clair : les jeux en ligne ont une durée de vie limitée, et cela vaut pour Ubisoft comme pour les autres éditeurs. Pour Guillemot, l’arrêt de ces services est une conséquence technique, économique et logique du vieillissement des infrastructures numériques.
Le PDG va plus loin en expliquant que les outils technologiques deviennent obsolètes avec le temps :
« De nombreux outils deviennent obsolètes au bout de 10 à 15 ans et ne sont plus disponibles. C’est pourquoi nous publions une nouvelle version – une version 2, une version 3. »
La logique derrière cette déclaration est compréhensible : comme pour les smartphones ou les systèmes d’exploitation, le support logiciel d’un jeu ne peut durer éternellement. Cependant, cela pose un problème de conservation et de jouabilité sur le long terme, un enjeu qui touche autant les joueurs que les archivistes du jeu vidéo.
Yves Guillemot affirme néanmoins que ce sujet est pris au sérieux chez Ubisoft :
« C’est un problème sur lequel nous travaillons. L’industrie dans son ensemble travaille dessus pour minimiser l’impact sur les joueurs. »
Il évoque des initiatives comme le mode hors-ligne de The Crew 2, mis en place pour éviter ce genre de coupure brutale, mais souligne aussi que la complexité technique limite parfois ces solutions.
Ce discours se veut rassurant, mais reste évasif sur les actions concrètes. D’autant plus que le message laisse entendre que la responsabilité est partagée par l’ensemble de l’industrie, diluant la pression sur Ubisoft.
La déclaration de Guillemot relance inévitablement la grande question de la propriété numérique : lorsque nous achetons un jeu, en sommes-nous vraiment propriétaires ? Ou ne faisons-nous que louer un accès conditionnel à un service temporaire ? Si Ubisoft et d'autres éditeurs veulent préserver la confiance des consommateurs, il leur faudra aller bien au-delà des promesses vagues.
Transparence, solutions de repli hors-ligne, ou même open sourcing partiel des serveurs anciens jeux : les pistes existent, mais nécessitent une volonté politique et technique réelle.
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