
Lors de la dernière séance de questions-réponses avec les investisseurs, suite à la publication des résultats financiers de Sony, le vice-président principal Sadahiko Hayakawa a offert un éclairage précieux sur l’évolution stratégique du groupe. À une question sur les investissements récents, notamment dans Bandai Namco et d'autres créateurs de contenus, il a révélé les grandes lignes d’une transformation profonde qui redessine l’identité même de Sony.
Première inflexion majeure : l’électronique n’est plus le cœur de la stratégie de Sony. Historiquement reconnu pour ses téléviseurs, ses lecteurs, ou encore ses consoles de jeux, Sony privilégie désormais les appareils de création, en particulier les appareils photo numériques, plutôt que les périphériques de consommation. Ce changement d'orientation vers des outils destinés aux créateurs de contenu a apporté une plus grande stabilité financière et a renforcé la productivité du groupe.
Ce n’est plus tant le divertissement consommé par le public qui attire Sony, mais les outils qui permettent de le produire. L’enjeu est clair : devenir indispensable à ceux qui créent l'entertainment du futur.
Dans ce contexte de recentrage, le secteur musical est devenu un levier central. Sony a effectué des acquisitions stratégiques telles que EMI Music Publishing et des services de streaming musical, consolidant ainsi un catalogue musical étendu. Cet enrichissement de l’offre permet à Sony de sécuriser des revenus stables via les droits d’auteur et l’exploitation multicanale de la musique.
L’industrie musicale, qui avait longtemps souffert de la transition numérique, redevient aujourd’hui un marché en pleine croissance, notamment grâce au streaming, aux synchronisations dans les jeux et les films, et aux nouvelles plateformes immersives.
Sony ne tourne pas le dos à son activité jeu vidéo, bien au contraire. Mais là aussi, l’approche évolue. Si la PlayStation reste une machine de référence, Hayakawa souligne un glissement stratégique du hardware vers l’engagement communautaire.
"Comme je l'ai mentionné dans mon discours, dans le secteur des jeux vidéo, nous avons délaissé une activité centrée sur le matériel pour nous orienter davantage vers l'engagement communautaire, et cette tendance s'est accentuée."
Cela signifie que Sony ne mise plus uniquement sur la vente de consoles ou de jeux, mais investit dans l’écosystème des joueurs : services en ligne, abonnements, créations cross-media… L’expérience de jeu devient communautaire, continue, transversale – et plus lucrative sur le long terme.
Parmi les investissements mentionnés, celui dans Crunchyroll, la plateforme de streaming dédiée à l’animation japonaise, ressort comme un exemple emblématique. En acquérant cette plateforme et en renforçant ses liens avec Bandai Namco, Sony investit dans l’IP (propriété intellectuelle), autrement dit les univers narratifs et artistiques qui peuvent être déclinés à l’infini : séries, jeux, produits dérivés, musique, films, etc.
Ce virage est symptomatique d’une stratégie plus large : Sony devient un créateur et distributeur de culture globale, s’appuyant sur ses racines japonaises pour conquérir le monde avec ses contenus. L’acquisition de catalogues, le développement de nouvelles licences, la transversalité des médias (jeu, anime, musique, cinéma) permettent à Sony de s’installer durablement dans l’économie de l’attention.
Quand on lui demande si ces investissements expliquent une révision à la hausse des prévisions, Hayakawa reste prudent. Il reconnaît que l'amélioration des résultats n’est pas uniquement liée à une seule opération ou un investissement spécifique. Cependant, il confirme que la stabilité des performances et l’amélioration de la productivité dans les secteurs musicaux, audiovisuels et de divertissement expliquent en grande partie la dynamique positive du groupe.
La diversification intelligente des revenus, la réduction de la dépendance au matériel, et le recentrage sur le contenu créatif portent leurs fruits.
En écoutant Sadahiko Hayakawa, on comprend que Sony n’est plus tout à fait la même entreprise qu’il y a 10 ou 20 ans. Ce n’est plus simplement un constructeur d’appareils électroniques, mais un acteur culturel global, capable de produire, distribuer, monétiser et valoriser du contenu à forte valeur ajoutée.
Le virage est clair : du produit vers l’expérience, de l’objet vers l’émotion, du matériel vers le culturel. .Et ce choix stratégique, dans un monde où la créativité devient l'une des principales monnaies de valeur, pourrait bien être la clé de la longévité et de la croissance future de Sony.
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