Quand les Wachowski ont voulu confier Matrix à Hideo Kojima — et que Konami a dit non

Publié le 29 octobre 2025 à 14:12

Imaginez un instant : un jeu Matrix conçu par Hideo Kojima, le créateur visionnaire de Metal Gear Solid. Un mélange entre espionnage, philosophie, réalités parallèles et action cinématographique — bref, un mariage parfait. Et pourtant, ce projet a bien failli exister… avant d’être refusé net par Konami.

C’est ce que révèle un fascinant rapport publié par Time Extension, basé sur un entretien avec Chris Bergstresser, ancien vice-président des licences chez Konami.
Il y raconte en détail le moment où les Wachowski, réalisatrices de la trilogie Matrix, ont personnellement approché Kojima pour lui proposer de créer le jeu vidéo officiel de Matrix.

Un épisode méconnu, presque légendaire, qui illustre à quel point le destin du jeu vidéo et celui du cinéma auraient pu s’entremêler autrement.

 

Pour comprendre la portée de cette rencontre, il faut remonter à la fin des années 1990.
À cette époque, Hideo Kojima est déjà une superstar du jeu vidéo japonais.
Les titres Metal Gear, Metal Gear 2: Solid Snake et surtout Metal Gear Solid (1998) ont imposé son style.

De leur côté, Lana et Lilly Wachowski viennent de bouleverser Hollywood avec la sortie de The Matrix (1999), un film visionnaire mêlant cyberpunk, arts martiaux, et réflexions sur la simulation de la réalité — des thèmes étrangement proches de ceux explorés par Kojima dans Metal Gear Solid.

Ce parallèle évident entre leurs œuvres n’a pas échappé aux Wachowski, qui, selon Bergstresser, étaient de grandes fans du créateur japonais.

 

Chris Bergstresser raconte cette scène incroyable :

Kazumi Kitaue, Kojima, Aki Saito et moi étions au siège de Konami, et nous avons reçu un appel des Wachowski, qui voulaient venir rencontrer Kojima. C’est ce qu’elles ont fait !”

Les réalisatrices débarquent donc au Japon, accompagnées de leur graphiste, pour pitcher directement leur idée.
Leur objectif est simple : convaincre Kojima de réaliser le jeu officiel de Matrix.

Toujours selon Bergstresser :

“Elles sont arrivées avec leur graphiste et ont dit à Kojima : ‘On veut vraiment que tu fasses le jeu Matrix. Tu peux faire ça ?’”

Kojima, flatté mais surpris, semble intéressé.
Mais avant qu’il ne puisse répondre, Aki Saito (son traducteur et collaborateur) traduit la proposition à Kazumi Kitaue, alors producteur exécutif de Konami.

Et la réponse tombe comme un couperet :

“Kitaue les a regardées et a répondu clairement : ‘Non.’”

 

Ce “non” catégorique met instantanément fin à la discussion.
Aucune négociation, aucun “peut-être” — simplement un refus pur et simple.

Bergstresser précise que les Wachowski ont pris la chose avec élégance, et que la rencontre s’est terminée sur une note plus légère :

“Nous avons quand même pu profiter de l’avant-première japonaise de Matrix et de l’afterparty.”

Mais pour les observateurs, ce refus reste l’un des plus grands “et si…” de l’histoire du jeu vidéo.

 

Les raisons exactes du refus de Konami ne sont pas explicitement détaillées, mais plusieurs hypothèses peuvent être avancées :

  1. Un contexte de succès déjà solide
    À l’époque, Metal Gear Solid venait de triompher mondialement. Konami voulait probablement que Kojima reste concentré sur ses propres créations, plutôt que de travailler sur une licence extérieure, même prestigieuse.

  2. Une culture d’entreprise japonaise rigide
    Konami, comme beaucoup de sociétés japonaises du secteur à cette période, était très attachée à la propriété intellectuelle interne. Travailler sur une licence hollywoodienne pouvait sembler risqué, voire contraire à leur stratégie.

  3. Un décalage culturel et créatif
    L’idée de collaborer directement avec des cinéastes occidentaux sur un projet aussi ambitieux que Matrix pouvait apparaître trop complexe, surtout à la fin des années 1990, où le jeu vidéo japonais était encore très centré sur ses propres processus.

 

C’est la grande question qui hante les fans de Metal Gear et de Matrix :
à quoi aurait ressemblé un jeu Matrix conçu par Hideo Kojima ?

Probablement à une œuvre profondément cinématographique, explorant la nature de la réalité, le libre arbitre, la conscience artificielle — bref, tout ce qui passionne déjà le créateur japonais.
On peut facilement imaginer un gameplay d’infiltration, des dialogues philosophiques, et des scènes d’action stylisées dans des environnements virtuels.

Au final, c’est Shiny Entertainment (sous Infogrames / Atari) qui développera Enter the Matrix (2003), directement lié au film Matrix Reloaded.
Malgré une forte promotion, le jeu recevra des critiques mitigées.
Et beaucoup se demandent encore : et si Kojima l’avait fait ?

 

Cette histoire, aussi frustrante qu’elle soit pour les fans, illustre bien la dynamique de l’époque :
Konami, en pleine gloire avec Metal Gear et Silent Hill, préférait protéger ses licences maison plutôt que de s’aventurer dans des collaborations extérieures.

Mais elle révèle aussi à quel point Kojima était déjà perçu comme un auteur à part entière, respecté jusque dans les cercles hollywoodiens.
Le fait que les Wachowski aient traversé la planète pour lui confier Matrix témoigne d’une admiration sincère pour son travail et d’une reconnaissance transmédiatique rare à l’époque.

 


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