 
                    Depuis plusieurs années, Nintendo mène une guerre sans relâche contre la fuite et la diffusion illégale de ses jeux. Mais cette fois, l’affaire est aussi rocambolesque que symbolique.
L’entreprise japonaise vient de remporter un procès fédéral contre Jesse Keighin, un streamer américain plus connu sous le pseudonyme “Every Game Guru”, accusé d’avoir diffusé en direct au moins dix jeux Nintendo avant leur sortie officielle — parmi lesquels Mario & Luigi: Brothership.
Malgré les avertissements et les menaces légales, Keighin a continué à narguer Nintendo ouvertement, provoquant l’entreprise sur les réseaux sociaux et se vantant de pouvoir recommencer “toute la journée”.
Résultat : un jugement fédéral du Colorado vient de le condamner à 17 500 $ de dommages et intérêts, un montant bien en dessous de ce que Nintendo aurait pu réclamer… mais suffisant pour envoyer un message clair :
« Diffuser illégalement les jeux Nintendo n’est pas un jeu. »
Sous le nom Every Game Guru, Jesse Keighin diffusait sur différentes plateformes des copies piratées de jeux Nintendo, souvent avant même leur sortie officielle.
D’après les documents judiciaires, depuis 2022, il aurait streamé au moins dix titres inédits, et ce plus de cinquante fois.
Parmi les jeux concernés, on retrouve notamment :
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des titres majeurs de la licence Super Mario, 
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et surtout Mario & Luigi: Brothership, le plus récent au moment du dépôt de plainte. 
Ce qui a aggravé son cas ? Son attitude ouvertement provocatrice.
Dans une lettre adressée directement à Nintendo, Keighin aurait écrit qu’il disposait de “mille chaînes jetables” prêtes à reprendre la diffusion à tout moment, se vantant de pouvoir “faire cela toute la journée”.
Une déclaration de guerre assumée envers une entreprise réputée pour son intransigeance face au piratage.
Face à cette défiance, Nintendo a déposé une plainte officielle l’an dernier.
Mais le parcours juridique a été tout sauf simple : Keighin a tenté d’échapper à la procédure, refusant de répondre aux assignations et ignorant les courriers officiels.
En avril 2025, l’entreprise a donc déposé une requête de jugement par défaut, affirmant que le streamer :
"avait été informé de la plainte (via e-mail et courrier à ses proches), mais n’avait jamais répondu dans les délais légaux."
Le 26 mars 2025, le tribunal a constaté sa défaillance, ouvrant la voie à une condamnation sans sa présence.
Finalement, le tribunal fédéral du Colorado a donné raison à Nintendo, lui accordant 17 500 $ de dommages et intérêts, répartis comme suit :
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10 000 $ pour la diffusion illégale du jeu Mario & Luigi: Brothership ; 
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7 500 $ supplémentaires (500 $ x 15) pour diverses violations de contournement de sécurité anti-piratage. 
L’affaire a pris un ton quasi surréaliste lorsque Keighin a continué de provoquer Nintendo publiquement, même après le dépôt de plainte.
Sur Facebook, il aurait adressé un message direct aux avocats de la firme :
« Vous auriez dû faire plus de recherches sur moi. Vous dirigez peut-être une entreprise, moi je règne sur la rue. »
Une posture bravache qui, évidemment, n’a joué en sa faveur.
Les juges américains n’ont pas apprécié son refus de coopérer et son mépris affiché de la procédure judiciaire, renforçant l’impression d’une faute délibérée et répétée.
Si Nintendo a remporté le procès, le jugement n’a pas été totalement à son avantage.
La firme avait demandé plusieurs injonctions permanentes, dont certaines ont été refusées par le juge :
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Destruction des dispositifs de contournement : 
 Nintendo voulait que Keighin soit obligé de détruire tout matériel ou logiciel ayant permis le piratage.
 Le tribunal a rejeté la demande, la jugeant “imprécise et déraisonnable”, car Keighin utilisait des logiciels d’émulation disponibles librement en ligne — impossibles à éliminer.
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Extension de l’injonction aux tiers : 
 Nintendo souhaitait que la décision s’applique à “toute personne collaborant avec Keighin”.
 Là encore, le juge a rejeté cette clause, estimant que Nintendo n’avait pas identifié ces tiers.
Le jugement final s’est donc limité à une sanction financière, sans mesures d’interdiction supplémentaires.
Ironiquement, Nintendo aurait pu réclamer beaucoup plus.
Dans sa requête, l’entreprise expliquait que Keighin, en ne répondant pas à la plainte, admettait implicitement sa responsabilité pour les dix jeux cités.
Cela lui aurait permis de demander jusqu’à 100 000 $ de dommages-intérêts (10 000 $ par jeu).
Mais Nintendo a préféré rester mesurée, réclamant :
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uniquement 10 000 $ pour Mario & Luigi: Brothership, le cas le plus flagrant ; 
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et 7 500 $ pour les multiples infractions techniques liées à la sécurité de ses jeux. 
Un choix stratégique : plutôt que d’être accusée d’excès ou d’acharnement, la firme a voulu montrer l’exemple sans exagération.
Depuis plusieurs années, Nintendo s’impose comme l’un des éditeurs les plus agressifs dans la défense de sa propriété intellectuelle.
Que ce soit contre les sites d’émulation, les ROMs illégales, ou les leaks de jeux avant sortie, la société ne laisse rien passer.
Cette affaire “Every Game Guru” n’est qu’un épisode de plus dans cette longue croisade, mais elle illustre parfaitement la tolérance zéro de Nintendo face au piratage et à la provocation publique.
Le message est limpide :
Diffuser des jeux avant leur sortie, même “pour le fun”, reste un acte de contrefaçon puni par la loi.
Et cette victoire judiciaire, même symbolique, servira de précédent pour dissuader d’autres streamers tentés de braver les règles.
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