« Stop Killing Games » : le Parlement britannique rejette toute réforme, mais reconnaît la colère des joueurs

Publié le 6 novembre 2025 à 15:28

Le mouvement « Stop Killing Games », né d’une pétition citoyenne ayant recueilli près de 190 000 signatures, a fait irruption au Parlement britannique. Lundi, les députés ont longuement débattu de la fermeture des jeux en ligne par les éditeurs — une pratique qui prive souvent les joueurs d’un titre acheté légalement lorsque les serveurs sont coupés.

Malgré une prise de conscience politique et un débat animé, le gouvernement britannique a confirmé qu’il ne modifierait pas la législation actuelle sur la protection des consommateurs.

 

Lancée par des militants et soutenue par de nombreux joueurs, la campagne « Stop Killing Games » dénonce la pratique des éditeurs qui désactivent définitivement les jeux nécessitant une connexion en ligne, rendant ainsi inaccessibles des produits pourtant payés.

Ce débat parlementaire a été initié par le député Ben Goldsborough (South Norfolk), qui a rappelé que le secteur du jeu vidéo pèse plus de 7,6 milliards de livres sterling et emploie des dizaines de milliers de personnes au Royaume-Uni.

Les députés de divers partis ont souligné que le jeu vidéo n’était plus une simple distraction, mais une force économique et culturelle majeure — un pilier des industries créatives britanniques.

 

Le porte-parole du gouvernement a salué l’engagement de la communauté et reconnu la validité du principe défendu :

« Les joueurs doivent avoir la certitude de pouvoir accéder aux jeux pour lesquels ils ont payé. »

Il a également reconnu la valeur culturelle et la dimension sociale du jeu vidéo, citant le rapport Power of Play et soulignant que les jeux vidéo, au même titre que le cinéma et la musique, font désormais partie intégrante de la culture populaire.

L’État britannique affirme ainsi comprendre la colère des consommateurs, tout en rappelant qu’il investit activement dans le secteur, notamment à travers un programme de croissance de 30 millions de livres destiné aux studios britanniques.

 

Malgré ces signaux positifs, le gouvernement a fermé la porte à une réforme des lois sur la consommation.

Le message est clair :

« Nous n’avons aucune intention de modifier les lois existantes. »

Selon le DCMS (Department for Culture, Media and Sport) et le DBT (Department for Business and Trade), la législation actuelle — notamment le Consumer Rights Act 2015 et le Digital Markets, Competition and Consumers Act 2024 — protège déjà efficacement les acheteurs de contenus numériques.

Le gouvernement estime que le cadre juridique actuel garantit que :

  • Le contenu numérique doit être de qualité satisfaisante et conforme à sa description ;

  • Les conditions générales ne doivent pas être abusives ;

  • Les informations données aux consommateurs doivent être claires et transparentes.

Autrement dit, selon Londres, le problème ne vient pas des lois, mais de leur application et de la communication entre éditeurs et consommateurs.

 

Une partie importante du débat a porté sur un malentendu fréquent : les joueurs n’achètent pas un jeu, mais une licence d’utilisation.

Le porte-parole du gouvernement a rappelé que ce principe n’est pas nouveau :

« Dans les années 1980, ouvrir une boîte de cartouche signifiait accepter une licence. Aujourd’hui, nous cliquons simplement sur “Accepter” en ligne. »

Cette distinction, souvent négligée, explique pourquoi les joueurs ne peuvent pas exiger de conserver indéfiniment un jeu dépendant de serveurs fermés.
Le gouvernement considère cette pratique comme légale et légitime, à condition que les joueurs soient pleinement informés au moment de l’achat.

 

Les militants de « Stop Killing Games » réclament que les studios soient obligés de prévoir un plan de fin de vie pour leurs jeux en ligne :

  • Soit en ajoutant un mode hors ligne après la fin du support ;

  • Soit en transférant la gestion des serveurs à la communauté.

Le gouvernement reconnaît la pertinence morale de cette demande, mais souligne de nombreux obstacles techniques, économiques et juridiques :

  • Certains jeux sont trop intégrés à l’infrastructure en ligne pour être convertis ;

  • Imposer cette règle pourrait ralentir l’innovation et fragiliser les petits studios ;

  • Le transfert de serveurs poserait des problèmes de sécurité et de protection des données, notamment pour les mineurs.

« Une telle obligation serait disproportionnée et pourrait avoir des effets négatifs sur l’industrie et les consommateurs », a précisé le gouvernement.

 

Malgré son refus de légiférer, le gouvernement britannique reconnaît la valeur patrimoniale du jeu vidéo et son importance dans la culture contemporaine.

Il encourage les efforts de préservation menés par :

  • Le National Videogame Museum et le Science Museum de Londres ;

  • Les éditeurs qui font don de copies ou de matériel à des institutions ;

  • Les collaborations entre développeurs et archivistes pour documenter les jeux.

L’objectif : préserver une partie essentielle du patrimoine numérique du pays.

 

Pour répondre aux inquiétudes soulevées par la pétition, le gouvernement a sollicité l’avis du Chartered Trading Standards Institute, chargé de publier un guide de bonnes pratiques destiné aux entreprises du jeu vidéo.

Ce document — Business Companion — pourrait être actualisé afin d’aider les studios à mieux informer les joueurs sur :

  • Les conditions d’utilisation des jeux connectés ;

  • Leurs droits en cas d’arrêt de service ;

  • Les limites des licences numériques.

Ainsi, même sans réforme législative, le Royaume-Uni envisage de renforcer la transparence et de favoriser un dialogue constructif entre l’industrie et les consommateurs.

 

Le débat sur « Stop Killing Games » révèle une fracture entre les joueurs et les institutions : d’un côté, la volonté de préserver le droit d’accès aux jeux achetés ; de l’autre, la réalité technique et juridique d’un secteur fondé sur le numérique et les licences temporaires.

Le gouvernement britannique choisit donc la stabilité juridique plutôt que la réforme, tout en promettant plus de clarté et une meilleure communication.ghy
Mais pour les joueurs, la bataille pour le droit de jouer librement — même après la mort des serveurs — est loin d’être terminée.


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