Lors d’une interview récente accordée à Nikkei Xtrend, Hideo Kojima, figure emblématique de l’industrie du jeu vidéo et créateur visionnaire, a partagé une réflexion nuancée et profondément humaine sur l’intelligence artificielle. Fidèle à son habitude, Kojima ne se contente pas d’un discours technophile naïf ou d’un rejet dogmatique de la technologie : il propose au contraire une analyse équilibrée, inscrite dans une perspective historique et sociétale plus large.
Pour introduire son propos, Kojima établit un parallèle frappant avec l’arrivée des smartphones. À leur apparition, ces appareils ont suscité de nombreuses critiques : dépendance, déshumanisation des échanges, intrusion permanente dans la vie privée. Pourtant, observe-t-il, ils sont aujourd’hui devenus indispensables pour une immense majorité de la population. Le constat est clair :
« Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui ne peuvent plus se passer de leur smartphone. »
Selon Kojima, l’IA traverse actuellement exactement la même phase de rejet et de méfiance. Peur de la perte d’emplois, inquiétudes éthiques, craintes artistiques ou créatives… autant de réactions qu’il juge compréhensibles, mais insuffisantes pour freiner une évolution déjà en marche.
Le créateur de Metal Gear et Death Stranding insiste sur un point fondamental : il est inutile de dire “on ne devrait pas utiliser l’IA” ou “l’IA est inutile”. Pour lui, le débat n’est plus de savoir si l’IA doit exister ou non, mais comment elle doit être utilisée. Comme pour les smartphones, il n’existe aucun retour en arrière possible. La technologie est là, elle va continuer à évoluer, et la société devra s’y adapter.
Cependant, Kojima ne se contente pas d’un discours fataliste. Il affirme que l’enjeu principal est de mettre la technologie au service du bien-être humain. L’IA, selon lui, doit être utilisée « d’une manière qui nous rende heureux », et non comme une finalité en soi ou un simple outil de productivité aveugle.
Dans cette optique, Kojima évoque plusieurs applications positives potentielles de l’IA, notamment dans le domaine de la communication. Il imagine un futur où l’intelligence artificielle pourrait aider les personnes moins à l’aise avec les interactions sociales en face à face, facilitant l’expression, la compréhension et la mise en relation. Pour des individus introvertis, anxieux ou isolés, l’IA pourrait devenir un pont plutôt qu’un mur, un moyen de se connecter au monde sans la pression immédiate du contact direct.
Mais fidèle à sa vision critique, Kojima souligne également les dangers potentiels de cette dépendance croissante. Il met en garde contre le risque que l’IA rende les humains plus capricieux, impatients ou émotionnellement fragiles, à force de déléguer réflexion, créativité et interactions à des systèmes automatisés. Une crainte qui fait écho à des problématiques déjà visibles avec les réseaux sociaux et les usages excessifs du numérique.
Face à ces risques, Kojima avance une idée intéressante et presque radicale : la nécessité de poser des limites volontaires à l’utilisation de l’IA. Il évoque notamment la possibilité de réduire consciemment son usage, voire d’imaginer des “journées sans IA”, à l’image des initiatives de déconnexion numérique. L’objectif ne serait pas de rejeter la technologie, mais de préserver l’équilibre entre assistance technologique et autonomie humaine.
À travers ces propos, Kojima livre une vision profondément cohérente avec l’ensemble de son œuvre : une fascination pour le progrès, toujours accompagnée d’une interrogation sur ses conséquences humaines, sociales et émotionnelles. Pour lui, l’IA n’est ni un ennemi ni un sauveur, mais un outil puissant qui exige responsabilité, réflexion et modération.
En somme, Hideo Kojima invite à dépasser les débats simplistes pour engager une réflexion plus mature : l’IA est inévitable, mais son impact dépendra entièrement de la manière dont nous choisirons de l’intégrer à nos vies.
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